Femme souriante prenant une photo avec un appareil photo.

©Alain Keler

Marie Dorigny

Documenter les injustices à hauteur d’humain

Photo-reporter depuis plus de trente ans, Marie Dorigny a d’abord travaillé comme journaliste rédactrice avant de se tourner vers la photographie, à la faveur d’un événement historique : la révolution roumaine de décembre 1989. Ce passage de l’écriture à l’image marque le début d’un parcours consacré à l’observation du monde et à la dénonciation des injustices.

Ses reportages portent sur des sujets de société essentiels — travail des enfants, condition des femmes, esclavage moderne — qu’elle aborde toujours à travers une approche humaine et de terrain. Ses images, publiées dans la presse française et internationale, ont été exposées dans des lieux reconnus : les galeries photo de la FNAC, le Festival Visa pour l’Image de Perpignan, la Bibliothèque nationale de France ou encore le Muséum de Lyon.

En 2015-2016, elle réalise pour le Parlement européen le reportage Displaced, femmes en exil, consacré aux femmes réfugiées traversant l’Europe. Présentée d’abord au Parlementarium de Bruxelles, l’exposition a ensuite été montrée à Visa pour l’Image et dans plusieurs villes françaises.

L’accaparement des terres :

une enquête mondiale

Depuis la fin des années 2000, Marie Dorigny consacre un travail de fond à un phénomène mondial : l’accaparement des terres arables. Derrière ce terme technique se cache une réalité brutale. Dans de nombreux pays, des milliers d’hectares de terres cultivables sont achetés ou loués à long terme par des États étrangers, des multinationales ou des fonds d’investissement. Officiellement, ces opérations visent à développer l’agriculture, produire des biocarburants ou sécuriser des approvisionnements alimentaires. En pratique, elles entraînent souvent l’expulsion de communautés paysannes et la perte d’accès à la terre pour les populations locales.

Pendant huit ans, la photographe a enquêté dans six paysInde, Cambodge, Guatemala, Brésil, Mozambique et Roumanie — pour documenter ces transformations silencieuses. Elle y a rencontré des familles déplacées, des femmes privées d’eau ou encore des paysans contraints à l’exil rural. À travers ses images, elle montre comment la pression foncière mondiale bouleverse des équilibres sociaux et écologiques fragiles : disparition des petites exploitations, précarisation du travail agricole, destruction des forêts et perte d’autonomie alimentaire.

Ce travail, intitulé Main basse sur la terre, a été récompensé en 2014 par la bourse photo AFD/Polka, avant d’être exposé à la Maison Européenne de la Photographie (MEP). Il témoigne d’une démarche de long terme, à la croisée du journalisme d’investigation et du reportage documentaire, où la photographie devient un outil pour comprendre les logiques économiques mondiales à travers leurs conséquences humaines.

Un regard constant sur la dignité

Marie Dorigny revendique une photographie sobre, sans effets, qui laisse place aux visages et aux récits. Derrière chacun de ses reportages, la même volonté : rendre visibles les oubliés du monde moderne.

Son engagement lui a valu plusieurs distinctions :

  • 1991 : World Press Photo pour son reportage sur les ravages de l’Agent Orange au Vietnam.

  • 1998 : Prix Kodak du jeune photo-reporter pour son travail sur l’esclavage domestique.

  • 2013 : Bourse du festival Photoreporter en baie de Saint-Brieuc pour un projet sur les violences faites aux femmes au Népal.

  • 2014 : Bourse photo AFD/Polka pour Main basse sur la terre.

Qu’il s’agisse de migrations, de violences faites aux femmes ou d’accaparement des ressources, Marie Dorigny s’attache à comprendre avant de montrer. Ses images, à la fois rigoureuses et sensibles, prolongent une même exigence : témoigner du réel, sans détour.